Tournais fin XV° : Défense ou attaque d'une ville par des amazones - 6ch/cm - Fragment 3x3m
La restauration de tapisseries commence par un bain de jouvence qu'est le nettoyage.
Avec l'eau courante partent poussières, fumées grasses de chauffage, gaz de ville ou de cigarette.
Autrefois, l'eau cristalline du centre de la France permettait de déposer les tapisseries dans le lit des ruisseaux et de les laisser quelques heures. L'eau courante vivante, entraîne la plupart des salissures.
Certains préféreront les machines modernes afin de préserver les fibres. Mais elles ne les nettoient pas à fond et les couleurs resteront grises.
Le lavage traditionnel permet aussi de laisser partir les soies et laines brûlées qui de toute façon tomberont plus tard.
Enfin, l'eau réhydrate les fibres qui avec le chauffage d'aujourd'hui deviennent cassantes.
Vient ensuite un passage d'eau savonneuse qui ôte les dernières particules grasses.
Un long rinçage toujours à l'eau courante achève le nettoyage.
Le séchage se fait à plat, de préférence sur l'herbe pour que l'air passe sous la tapisserie et la sèche rapidement.
La tapisserie, arrivée à l'atelier est étudiée, scrutée, analysée. Deux choix sont possibles :
conservation ou restauration ?
Les tapisseries destinées à la conservation sont juste sauvegardées. Les manques sont comblés par des remplois (ou pièces) de tissus de lin teintées à la couleur de l'environnement du trou et maintenues par des fils de soie, pour garder à l'ensemble une cohérence et un maintien qui préserve l'intégrité de la tapisserie.
Cette méthode intéresse les musées mais n'est pas satisfaisante pour le collectionneur qui souhaite profiter du spectacle quotidien qu'est une tapisserie.
Ateliers de la Marche XV° - les neufs preux - Alexandre - 4ch/cm
La restauration consiste à rendre vie à une tapisserie qui a subi de nombreuses vicissitudes. Les remplois mis pour combler les manques, les raccommodages faits par les femmes de chambre, les nombreux fils pour maintenir les parties usées, dont les couleurs ont passé, les soies brûlées disparues laissant apparaître les chaînes ; Tout cela trouble le dessin. Souvent les relais (arrêts entre deux couleurs) se sont rompus et font une plaie béante impressionnante qui disparaît après une simple couture invisible.
Audenarde XVI° - Combats d'animaux - 4.20x2.70
La tapisserie est tendue sur un métier de restauration constitué de deux ensouples (barres en bois rond) parallèles, horizontales, posées sur deux tréteaux. Alors commence la vraie découverte de la tenture à restaurer. Il faut la laisser venir à vous, faire connaissance, et elle vous dira ce qui est bon pour elle.
Chaque tapisserie ne requière pas le même degré de réparation. Certaines ne demandent que le minimum, d'autres attendent beaucoup plus d'attention. Ceci n'a rien à voir avec l'état de la tenture, mais plus avec l'esprit qui s'en dégage, avec la finesse du tissage sans doute (cela peut aller de 3 à 4 chaînes au cm jusqu'à 10 ou 11 et plus.) avec l'époque aussi. Une tapisserie du XV° sera moins exigeante qu'une complexe tenture du XVIII° où la finesse du dessin et le nombre de couleurs obligent à une plus grande netteté. Les cartonniers du XVIII° ont voulu en faire des tableaux avec bordures imitant les cadres ; ce qui a provoqué le déclin de la tapisserie.
Allemagne 1500 - Saint Christophe - 5ch/cm - chaîne en lin - 2,95x2,10m
Enlèvement du remploi sur le poitrail - Renchaînage - tissage en laine et soie.
Les tapisseries médiévales ont très peu de couleurs et les nuances se font par le jeu du tissage, les duites (passages alternés de deux couleurs en créant une troisième). Plus les tapisseries sont anciennes plus elles sont mystérieuses et attirantes ; le sujet, les personnages, l'histoire ou les histoires qu'elles racontent, viennent à vous. Les thèmes les plus anciens, qu'ils soient religieux ou profanes, sont envoûtants : Une Tournais XV° a plus à dire qu'une Beauvais XVIII° à la technique plus aboutie. Les imperfections même en font le charme.
Bruxelles 1530 - David et Bethsabée
Après l'avoir longuement observée, touchée, caressée s'être imprégné de son "âme", il est temps de choisir les couleurs laine et soie. On enfile une première aiguillée pour recouvrir les chaînes dénudées, c'est le piquage. Cette première étape a ceci de satisfaisant qu'elle restaure rapidement les points blancs d'usure.
Piquage des laines - remplacement des chaînes rompues - tissage de la soie
Cela permet d'appréhender la dureté du tissage et de mieux apprécier la difficulté du chaînage d'un trou. En effet, avant de tisser, il faut remplacer les chaînes rompues ou disparues. Pour cela il faut passer la chaîne avec une aiguille d'un côté à l'autre du trou en la glissant entre la chaîne et la trame solide.
Le tissage se fait aussi à l'aiguille. Le choix des couleurs est essentiel. Le ton du fil utilisé doit exactement correspondre à la partie ancienne. De nombreuses teintures au ton près sont nécessaires. Si le coloris n'existe pas, nous le faisons à l'atelier.
enlèvement des remplois - renchaînage des trous - tissage des laines et soies
Le dessin d'une partie manquante se fait évidemment dans l'esprit de l'époque. Une rose XVIII° n'est pas une rose XVI°. C'est en cela qu'il faut une bonne connaissance des styles et de l'histoire des arts décoratifs. Acquérir la compétence nécessite de nombreuses années. Technique et culture vont de paire, ce qui n'est pas à l'avantage des "nouveaux ateliers" exotiques.
Bruxelles XVII° - Portière - anciennes restaurations avec chaînes en coton qui ont cédé après trop longue exposition à l'humidité - renchaînage des fonds bleus sur les bordures - retissage en soie
Tapis d'Aubusson XIX° - retissage sans reprise des anciennes restaurations - chaînes coton
Comme les lissiers, le restaurateur redécouvre au fil des tours de métier le travail à faire et ne voit le résultat qu'une fois la tapisserie "tombée". La durée d'une restauration varie d'une semaine à 10 ou 12 mois. L'une d'elles (8 mois) "Artémis et Actéon" sortie de notre atelier est au musée de la Chasse à Paris.
Artémis et Actéon - Val de Loire XVI° - Retissage entre autres sur 1m2 d'une ancienne restauration dont les couleurs ont passé.
Certaines se quittent à regret. Avoir passé une année sur une pièce crée un attachement évident. Chaque tour de métier est une découverte. Bien sûr les photos prises avant de monter une tapisserie vous disent ce qui est à venir, mais cela reste un vrai plaisir de réparer les blessures du temps.
Aubusson XVIII° - Cartons de Vernet - Bacchus et Débarquement
La dernière étape est le doublage qui se fait sur une grande table. Elle peut être précédée par la pose d'un galon. La toile de coton ou de lin est maintenue par des coutures en losanges qui apportent une tenue régulière à l'ensemble. Une bande velcro est posée sur le haut pour permettre d'accrocher la tapisserie tout en gardant les trois autres côtés libres. Une tapisserie tendu doit rester vivante, frémir à votre passage.
Bruges XVI° - Mille-fleurs : toutes les plantes sont identifiées.
Audenarde XVI° - Feuille de choux à la licorne Audenarde XVI° - Aristoloche
Restaurations d'usage - retissage, piquage et relais - Galon et doublage.
Les tapisseries murales ne sont pas les seules pièces à être restaurées de cette manière.